Les Antidepresseurs
Les anti-dépresseurs : qu'est ce que c'est ? Pourquoi on en prescrit parfois (trop) souvent ? Quelles sont les solutions naturelles pour faire une transition en douceur, ou tout au moins ouvrir les pistes prometteuses en amont comme en aval avec ?
1. Définition
Avez-vous perdu tout intérêt et plaisir pour la plupart des choses qui vous plaisent habituellement ?
Avez-vous perdu votre entrain, ou vous sentez-vous inexplicablement fatigué ? (ou vous sentez-vous déprimé?)
Selon l’HAS vous êtes à risque dépressif si votre réponse est positive à ces 2 questions
La dépression appelée dans le langage courant « dépression nerveuse » ne désigne pas un simple coup de déprime, de l’anxiété ou une tristesse passagère mais une véritable maladie psychique.
Elle se caractérise par des perturbations importantes de l’humeur et une grande douleur morale: tristesse, perte de plaisir, perte de l’estime de soi sont au rendez-vous. Elle entraîne une vision pessimiste du monde et de soi-même.
On parle de dépression lorsque les manifestations durent plus de deux semaines. Le désir sexuel, le sommeil, les troubles de l’appétit, les difficultés de concentration, la perte de motivation, l’isolement ou encore les idées suicidaires sont des signes typiques (TAFASCIES de dépression: Tristesse Anhédonie Fatigue Appétit : anorexie ou hyperphagie Sommeil Concentration Irritabilité Énergie Suicide)
Une personne déprimée doit-être accompagnée car il est très difficile de s‘en sortir seul.
2. Quelques chiffres : état des lieux
C’est une des maladies psychiques les plus fréquentes à dire même une véritable épidémie. Elle représente la première maladie handicapante en 2020 dans le monde occidental et 2 fois plus de femmes que d’hommes sont concernées. Elle peut survenir à tout âge et elle est plus fréquente chez l'adulte. Par ailleurs près de 8 % des adolescents entre 12 et 18 ans souffriraient d’une dépression. Selon un rapport de l’ANSM de mai 2021 (https://ansm.sante.fr/actualites/usage-des-medicaments-de-ville-en-france-durant-lepidemie-de-covid-19-point-de-situation-jusquau-25-avril-2021)L’usage de médicaments anxiolytiques, hypnotiques mais aussi plus récemment antidépresseurs ne cesse d’augmenter. La tendance forte de l’augmentation d’utilisation de ces 3 classes de médicaments s’est encore amplifiée en 2021 avec des hausses des délivrances de +5% à 13% selon les médicaments, et des hausses d’instaurations de +15% à +26% par rapport à l’attendu. Cette augmentation reflète l’impact psychologique de la crise sanitaire lié au COVID 19
3. Les traitements antidepresseurs : quid de leur efficacité?
A ce jour les mécanismes physiopathologiques de la dépression ne sont pas encore tous connus. La principale hypothèse et les prises en charge médicamenteuses actuelles se basent sur un hypofonctionnement de l’axe monoaminoergique qui implique les niveaux de concentrations en sérotonine, en noradrénaline et en dopamine. 3 neurotransmetteurs impliqués dans notre équilibre émotionnel.
La découverte des premiers antidépresseurs, inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et tricycliques ainsi que des inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS) a renforcé cette hypothèse que l’amélioration des symptômes était lié un rétablissement des taux de ces NT dans les synapses. voir l’étude
Mais alors comment expliquer que 1/3 des patients ne répondent pas suffisamment aux traitements après l’essai de différentes molécules? D’ailleurs une récente étude britannique publiée en août 2022 remettrait en cause fortement l’efficacité de ces ISRS. Et n’oublions pas que ces traitements ne sont pas dénués d’effets indésirables avec un délai d’action de 3 semaines (risque majorée de suicide à l’initiation) ainsi que de la dépendance entrainant un syndrome de sevrage à l’arrêt. Une étude publié dans the Lancet en 2016 met en évidence que les antidépresseurs pourraient apporter plus de risques que de bénéfices pour les jeunes patients. Elle souligne l’importance que ces médicaments soit prescrits avec plus de prudence au vu de l’inefficacité chez les jeunes patients et le risque accru d’apparition d’effet indésirables dont les pensées suicidaires.. Voyons donc ensemble quelles sont les nouvelles pistes émergentes et comment pourrait on optimiser la prise en charge de ces patients de manière plus naturelle et plus integrative.
4. Les nouveaux axes de prise en charge de la dépression
SOUTENIR LA SYNTHESE DES MONOAMINES EN CORRIGEANT LES DEFICITS NUTRITIONNELS: OPTIMISER L’APPORT EN PRECURSEURS ET EN COFACTEURS
Pour reprendre quelques bases notre comportements et nos émotions sont régis par l’équilibre de différents neurotransmetteurs comme le montre le schéma ci-dessus extrait de mon livre.
Ces neurotransmetteurs sont fabriqués à partir de précurseurs qui sont des acides aminés : le tryptophane pour la serotonine et la tyrosine pour la dopamine (qui se transforme ensuite en noradrenaline). Ainsi il est indispensable de s’assurer d’un apport suffisant en ces précurseurs et cofacteurs grâce notamment à la neuronutrition et/ou la supplementation:
Ainsi pour optimiser la synthèse de dopamine et de noradrénaline dans la première partie de la journée puis de sérotonine et de mélatonine dans la seconde partie voici quelques recommandations:
Un petit déjeuner riche en protéines animales (saumon, oeuf, dinde par exemple) et végétales riche en fibres intégrant des glucides avec une charge glycémique évitant un pic d’insuline et la fameux coup de barre à 11h 🙂.
En effet les protéines riches en tyrosine et en phenylalanine aident à produire de la dopamine et de la noradrénaline qui jouent un rôle essentiel pour la motivation, l’attention et la concentration. Une supplémentation personnalisée est possible en L-Tyrosine à raison de 500mg à 1g en 1 à 2 prises (réveil et milieu de matinée). En Phyto la plante incontournable est le Mucuna qui contient de la L-DOPA précurseur direct de la dopamine ou encore l’éleutherroccoque aussi adaptagène et qui permet de renforcer les capacités physiques et mentale lorsque le patient se sent très fatigué.
Un déjeuner complet et équilibré (source de protéines animales et végétales – fibres – glucides à charge glycémique modérée) et un gouter pour faire le plein tryptophane précuseur de sérotonine et mélatonine: comme une banane des fruits secs et un carré de chocolat:)
Enfin pour le diner il pourra être riche en protéines végétales source de tryptophane et de glucides à index glycémique modéré. Une suplémentation en tryptophane est possible à raison de 200mg à 800mg maxi (répartis en 2 prises à partir du milieu d’après midi). Toutefois il faudra veiller à ce que le patient ne soit pas sujet à de l’inflammation ce qui pourrait détourner le tryptophane dans une voie neurotoxique.
ZOOM SUR LA VOIE DES KYNURENINE
Le tryptophane à un métabolisme complexe, et selon le contexte il ne prendra pas le même chemin! La qualité de notre microbiote et le niveau d’inflammation vont influencer son devenir :) En effet lors d’inflammations la voie des Kynurénines est activée et le tryptophane est alors massivement détourné pour servir à la fabrication de Kynurénines et autres composés comme la vitamine B3 au détriment de la production de sérotonine dans le cerveau. Il est également aujourd’hui prouvé que notre microbiote intestinale joue un rôle clef dans l’activation de cette voie. En effet en temps normale les niveaux de production sont bas alors que chez une personne déprimée cette voie est privilégiée les kynurénines et ses métabolites en excès vont induire une excitiotoxicité (augmentation du taux de glutamate) et une neurotoxicité qui participe au développement de dépression.
Il est tout à fait possible en biologie préventive de mesurer ce rapport Trp/kynurenine.
Si il est désequilibré une supplementation en curcumine est alors très intéressante et permet de soulager les symptômes de la depression tout en calmant l’inflammation. Il faudra également s’assurer de ne pas manquer de nicotinamide (vitamine B3)
L’autre alternative est la suplementation en Griffonia une plante qui contient le précurseur direct de la serotonine le 5HTP (5 hydroxytryptophane) qui passe directement la barrière hemato encephalée et permet aussi de réduire l’anxiété.
Cette plante pourra être associée au safran. En effet le safran est un incontournable lorsque on parle de dépression. Non seulement elle ne provoque pas d’effet indésirables ni de dépendance mais en plus elle a une action globale: en effet ses actifs sont capables d’inhiber la recapture de la sérotonine, de la dopamine et de la noradrenaline, elle est neuroprotectrice, anxiolytique, elle améliore la fonction sexuelle contrairement aux antidépresseurs, et son efficacité à la dose de 30 mg est similaire à 100 mg d’imipramine et 20mg de fluoxetine.
Enfin le millepertuis est aussi très interessant, (attention il faudra veiller aux interactions médicamenteuse) de par son action antidépresseur, anxiolytique à raison de 600 mg d’extrait sec/ jour titré à 0,2 % d’hypericine en 2 à 3 prise par jour.
Mais ce n’est pas tout de veiller à l’apport des précurseurs, les cofacteurs nécessaires au bon fonctionnement des enzymes permettant la production de ces NT sont tout aussi importants à savoir le Fer, la vitamine B2, B3, B6 le Zinc, le Magnésium.
Et comme vous le savez je pense 80 % de la population est carencée en Magnésium car en cas de stress celui ci est chassé dans les urines alors que les besoins augmentent. En plus le magnesium permet d’optimiser le stockage des neurotransmetteurs dans les vésicules avant leur libération. En supplementation conseiller une forme hautement assimilable (bisglycinate, glycerophosphate, malate, citrate de Magnesium) à raison de 300mg par jour en moyenne (6mg/Kg/j) reparti dans la journée associé par exemple a de la Vit B6 qui optimise l’absorption du Mg et à de la taurine qui optimise la rétention cellulaire du magnesium et qui diminue l’hyperexcitabilité cellulaire.
LUTTER CONTRE LE STRESS
Le rôle du stress dans le déclenchement de la dépression est aujourd’hui mis en avant. Lors de stress l’hypotahlamus secrète la CRH (corticotropin-releasing hormone) qui active la sécrétion de l’hormone adrénocorticotrope ou ACTH par l’hypophyse. L’ACTH libérée dans le sang agit sur les glandes surrénales permettant la libération des glucocorticoides dont le cortisol.
Chez les patients déprimés on observerait un taux de cortisol élevé. La dépression pourrait être due à une sensibilité particulière au stress, due à une dysrégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Là encore les plantes adpatogènes comme la Rhodiole ou encore l’Aswanganda vont-être d’un intérêt majeur pour normaliser les hormones du stress tout en stimulant la synthèse d’énergie cellulaire dans les mitochondries (pour la rhodiole) ou encore calmer l’inflammation, réguler l’immunité et agir contre les excès de radicaux libres pour l’Aswagandha.
LUTTER CONTRE LA NEUROINFLAMMATION
De plus, de nombreuses données viennent étayer la piste neuro-inflammatoire dans la dépression.
Cette inflammation pourrait entraver la neurogénèse (nouvelle formation de neurones) ce qui participe au déclenchement et à la pérennisation des symptômes dépressifs. Là encore la prise en charge sera différente en fonction du patient car il existe plusieurs causes d’inflammation persistante. Elle peut provenir d’un stress chronique, d’un déséquilibre du microbiote qui va entrainer une hyperpermeabilité intestinale. Dans ce cas certaines molécules qui normalement ne passent pas vont pénétrer dans la circulation sanguine entrainant une endotoxémie métabolique. Dans ce cas il faudra travailler sur l’intestin pour renforcer l’intégrité de la barrière intestinale et la qualité du microbiote. L’utilisation de certains probiotiques autrement appelés psychobiotiques de par leur activité antiinflammatoire ont fait preuve également d’efficacité. Enfin L’obésité viscérale est également source d’inflammation… il faudra également accompagner le patient pour l’aider à retrouver un poids santé et prendre en charge l’insulinoresistance souvent présente avec l’augmentation du tour de taille (INDICE HOMA).
Le dosage de l’homocysteine est également très interessant car lorsque ce dérivé s’accumule c’est un facteur de risque cardiovasculaire et elle est source d’oxydation et d’inflammation. Si le taux est élevé elle reflète un manque de méthylation, or la méthylation est un processus physiologique qui se produit à tout moment dans toutes nos cellules et permet d’assurer certaines fonctions vitales dont la production de neurotransmetteurs.
Certaines personnes souffrant d’une mutation génétique (mutation MTHFR) n’ont pas la capacité de méthyler suffisamment. Dans ce cas il faudra s’assurer du statut et supplementer le patient si besoin en methyltetrahydrofolate (vitamine B9 méthylée), en B12, en choline, en B2 et B6.
Enfin des mesures nutritionnelles sont incontournables pour optimiser les apports en acide gras Omégas-3 à longue chaine EPA et surtout DHA précurseurs de molécules anti-inflammatoires et de la résolution de l’inflammation. De plus les omégas 3 font partis intégrantes de toutes nos membranes cellulaires et conditionnent la fluidité membranaire et la plasticité cérébrale. Qui dit membrane fluide dit passage optimisée de molécules et notamment des neurotransmetteurs ! Pour cela il est nécessaire de consommer 3 fois par semaine du poisson et dont au moins 1 fois du poisson gras (maqueraux, hareng, sardines, anchois, saumon) source direct d’EPA et de DHA. Les sources végétales sont également interessantes comme l’huile le lin ou de cameline (ne pas chauffer, a conserver au frigo), les oléagineux et les graines de chia ou de lin ou moulu.
Pensez également à limiter l’apport d’acide gras trans (produits industriels transformés, viennoiseries, « western diet ») et d’acides gras saturés (charcuterie et viandes grasses) qui participe au déséquilibre du rapport omega6/omega3 qui entretient l’inflammation de bas garde.
DEFICIT EN VITAMINE D ET DEPRESSION
Encore sur le devant de la scène celle la!
La vitamine D est bien plus qu’une vitamine D puisque elle agit comme une hormone et possède des récepteurs un peu partout dans notre corps et même dans notre cerveau. Nous savons aujourd’hui qu’il existe un lien directe entre de faible taux de vitamine D et le risque de dépression et de déclin cognitif. En effet la vitamine D a un rôle crucial dans la prolifération et la transmission neuronale, dans la plasticité cérébrale et la neuroprotection.
Elle participe à la synthèse de certains neuromédiateurs comme la sérotonine. Chez les personnes souffrant de dépression son taux devrait être systématiquement contrôlée et une supplémentation aux doses adaptées mise en place par la suite. De plus 80 % de la population est en déficit en hiver, la supplémentation quotidienne ou hebdomadaire est à privilégier et est indispensable pour maintenir des taux suffisants pendant cette périodes.
DEFICIT EN ZINC ET DEPRESSION
La dépression est associée à une plus faible concentration de zinc dans le sang périphérique. Les dernières études ont montré que dans la dépression, il existe un déséquilibre entre les principaux systèmes excitateurs (glutamatergiques) et inhibiteurs (GABAergiques). L’administration d’antagonistes du système glutamatergique, dont le zinc, a montré un effet antidépresseur dans des études précliniques et cliniques. On pense que c’est le principal mécanisme expliquant les propriétés antidépressives du zinc. Il faut donc veiller a ce que les besoins soient couverts et supplementer si besoin.
Vous l’aurez compris on ne peut pas résumer la dépression au simple manque de neurotransmetteurs puisque la cause de ces déséquilibres peut-être multiples, c’est pourquoi je ne pourrais pas donner de protocole de sevrage d’antidépresseurs car la prise en charge doit-être adaptée au patient et la supplementation personnalisée pour rétablir les déficits micronutritonnels ET pour une action fonctionnelle visant à réduire les symptômes variables de la depression et à corriger les déséquilibres (inflammation, hyperpermeabilité, fluidité membranaire, dysbiose, stress oxydant).
Toutes ces perspectives font espérer la mise en place de nouvelle stratégie thérapeutiques pour une meilleure prise en charge des troubles dépressifs qui je le rappelle peuvent se manifester sous différentes formes cliniques selon les patients.